Je n’ai pas pu écrire ici d’autres épisodes de cette 2nde FIV, trop occupée que je l’étais à la vivre, corps et âme. Alors c’est directement à l’épilogue que nous nous retrouvons. Un épilogue où se mêlent émotions vives et réflexions de longue date.
J’aurais voulu ici un happy ending, mais la vie en aura voulu différemment.
Je réalise en écrivant ces lignes que les témoignages de femmes cis/ couples n’ayant pas pu avoir d’enfants ne sont pas légions, comme tabous. Si la question de l’infertilité l’est de moins en moins, on ose en parler que lorsque le dénouement est heureux ou le combat en cours laisse présager de cette fin victorieuse. La souffrance n’aura pas été vaine.
Mais lorsque la bataille arrive à sa fin et que seul réside le néant, que raconter ? Qui a envie d’entendre une histoire qui se termine mal ? Notre société n’est pas prête à accepter la mort. Car oui, l’absence de descendance est toujours associée à la mort, à la fin de la lignée, de l’espèce – du moins inconsciemment. Ça met mal à l’aise. Car ça veut dire accepter l’inacceptable, aller contre nos conditionnements.
D’aussi loin de je me souvienne, j’ai toujours imaginé que je serai maman, un jour. À l’adolescence, j’ai joué à la maman avec mon petit frère. À 20 ans, j’ai pensé que ça donnerait un sens à ma vie mais j’ai d’abord voulu travailler sur moi pour être une meilleure mère que la mienne. À 26 ans, je suis tombée enceinte mais j’ai jugé que ce n’était pas raisonnable d’avoir un enfant seule alors que je vivais en coloc, n’avais pas de famille à proximité et surtout à peine de quoi vivre ; alors j’ai avorté : « Tu en auras d’autres plus tard me disait la « voix » dans ma tête ». À 29 ans, j’avais un chéri avec qui j’étais bien, une situation stable : c’était le moment.
Et puis non : un, deux, trois ans passent et l’enfant ne vient pas. Un an et demi de PMA, toujours rien et je ne suis plus que l’ombre de moi-même. Trois ans encore pour remonter la pente, me reconstruire et repartir à la bataille. Presqu’un an encore de FIV. Huit ans et demi de ma vie, de nos vies et nous ne sommes pas parents.
Le VIDE.
Le NÉANT.
Il faut tout remettre en question, pas seulement comme une hypothèse, mais concrètement. Changer le paradigme d’une vie de couple. Se libérer de nos croyances.
Alors oui, nous aurions pu continuer, nous entêter. Je sais que c’est ce que certains autour de nous auraient voulu. Car un couple sans enfant, ça pose les questions que personne ne veut se poser. Avoir des enfants c’est normal. POINT.
Ça veut que nous nous sommes pas normaux …. ?
J’avoue qu’aujourd’hui que c’est ce qui me blesse le plus. Ce regard que j’imagine… pourquoi n’a-t-elle pas d’enfants à 37 ans ? Comme si c’était de ma faute, comme si j’avais rien fait pour, ou pas assez… Égoïste ?
J’aimerais être une de celle qui se plaint de ses premiers mois de grossesse horribles, de cet accouchement déchirant, de son postpartum éreintant… Car au final, moi aussi j’ai souffert mais qu’est-ce que j’ai pour compenser, me récompenser de mon courage ?
Car oui, j’ai été courageuse. J’ai vécu l’espoir et le désespoir et je me suis relevée à chaque fois. J’ai fait confiance à la médecine, à la science, mais j’ai été aussi me confronter à mes ombres les plus redoutables, j’ai essayé toutes les thérapies alternatives qu’on me proposait…. J’ai pratiqué le yoga, j’ai tenté le lâcher-prise autant que possible lorsque l’on est sensé prendre des médicaments, changer sa façon de manger, bien dormir et surtout ne pas stresser. Je me suis vraiment battue contre le spectre invisible d’une maladie invisible car ni moi, ni mon compagnon n’avons de pathologies qui expliqueraient notre infertilité.
On nous dit que si on fait tout bien, on sera récompensé. Que les épreuves surmontées il y a forcément un prix à la clé. Ou pas…
17 décembre 2021, avec l’annonce du test de grossesse négatif, l’aventure PMA se termine et avec elle le rêve de devenir parents. Nous sommes un couple meurtri, mais pas désespéré, ni malheureux car la valeur de nos vies, de notre couple ne se mesure pas à l’aune de la parentalité.
Ça ne veut pas dire que ce n’est pas très difficile. Que je ne me réveille pas le matin en ayant l’impression d’avoir fait un mauvais rêve. Mais cette longue bataille, nous a préparé à battre en retraite pour panser nos blessures, imaginer une autre vie pleine et non résignée.
Ne cherchez pas à nous consoler ou à vous déculpabiliser en nous disant : « On sait jamais ça peut toujours arriver! » ou « C’est sans doute parce que quelque chose d’encore mieux vous attend, vous savez les enfants c’est pas une fin en soit! » ou encore : « Et l’adoption ? »
Nous vous demandons de cesser les projections de vos propres angoisses sur nous. Nous vous demandons juste de l’empathie, peut-être en imaginant vos vies sans vos enfants et face à la difficulté que cela représente, imaginer juste un peu le travail que nous allons devoir faire pour faire ce deuil, pour accepter pleinement l’inacceptable. Parce que nous aussi, nous méritons d’être heureux.