Dans le 1er chapitre, j’évoquais le fait que nous envisagions une FIV pour l’automne 2020. A ce moment-là nous ne pouvions évidemment pas deviner que 2020 serait une année aussi mouvementée et pleine de surprises.
2020 a commencé pour nous par un choix crucial : déménager or not déménager ? Depuis 8 ans nous vivions dans un grand appartement en ville : l’appart parfait pour un jeune couple souhaitant fonder une famille. Et puis le temps passe, la chambre d’enfant reste bureau et chambre d’amis alors que le désir de changer de cadre grandit. Le rêve : vivre à la campagne, proche du lac. Et là soudain c’est à porté de main, mais il y a une pièce en moins. Que faire ? Le projet de la 2nde FIV est là, mais sans garantie. Attendre encore que tout soit aligné ou oser le mouvement ?
Certes j’avais envie de changement, d’un nouveau départ sans doute. Mais l’année 2019 avait été une année très chargée professionnellement (limite burn-out) et j’avais encore une fois de plus dû mettre de côté mon projet de reconversion. Je voyais 2020 comme une année plus stable et calme : j’allais pouvoir trouver un cabinet proche de chez nous et nous allions nous relancer dans une FIV. Encore éprouvée par les mois précédents, je ne me sentais pas vraiment d’attaque pour un déménagement, un changement radical de cadre et de mode de vie en m’éloignant de mes amis, de mon boulot, des mes loisirs. Finalement j’ai accepté de déménager : comme par bravoure mais avant tout pour faire plaisir à mon chéri qui était plus que convaincu.
Les deux mois qui ont suivi nous avons dû faire un tri énorme de nos affaires, vendre, jeter l’équivalent d’une pièce et une cave. C’est donc allégés que le 12 mars 2020 nous avons emménagé. Mais voilà, un virus jusque-là inconnu a bouleversé nos vies comme celles de milliards de personnes : le 17 nous étions confinés. Pour moi ça a été un vrai chamboulement, du jour au lendemain je me suis sentie complètement déracinée, désaxée : dans un nouvel appart, loin de mon cadre, pas même une routine à laquelle me rattacher. J’ai même pensé quitter mon compagnon tant j’étais désemparée et déconnectée de mon cœur. Pourtant, sur le canton de Genève nous pouvions sortir et nous promener. Mon nouveau cadre était parfait pour cela : forêt et bord du lac à proximité.
Cela m’a pris près de 6 mois pour retrouver un équilibre. Pourquoi je vous raconte ça ? Quel rapport avec la PMA ? Et bien, ce que j’ai vécu c’est ce que la vie peut nous apporter d’épreuves pour mettre en lumière les problématiques non résolues. Pour moi par exemple, la question des racines, des changements de vie importants sont des sujets récurrents dans mon existence.
L’infertilité, des choses plus anodines comme un déménagement peuvent réveiller des blessures, des peurs qui nous suivent depuis le début de nos vies, voire depuis des générations. J’ai fait le choix durant ces mois de m’y confronter, de les regarder en face pour au final ressortir renforcée et allégée de ce que je devais mettre de côté.
Octobre, j’étais apaisée, alignée, forte d’avoir su traverser ces mois sombres. Nous avions rendez-vous à la fin du mois avec la spécialiste pour planifier le nouveau traitement. Le jour J, le rendez-vous est annulé et repoussé à 2 semaines après. J’ai à peine été perturbée par ce changement de dernière minute alors que nous attendions depuis longtemps ce moment.
Mi-novembre, nous revoilà devant la doctoresse. J’avais fait quelques lectures durant les mois précédents et j’avais appris qu’il existait des tests de la muqueuse utérine : l’un pouvant permettre de déterminer la meilleure fenêtre pour le transfert de l’embryon (ERA) et un autre proposant un bilan immunitaire de la réceptivité utérine (Matricelab). Nous avons donc décidé de les faire sitôt les examens préliminaires passés (sérologie de mon compagnon et moi, spermogramme et échographie). Mes menstruations étant normalement très régulières (je suis calée sur la lune), je propose des dates pour les prises de sangs et l’échographie. Et voilà que j’accuse un retard d’une semaine. L’échographie endovaginale a finalement lieu : je réalise alors que j’ai encore un traumatisme de cet examen intrusif que mon précédent médecin m’avait fait subir de manière quasi hebdomadaire pendant un an. Mon corps me rappelle alors que, malgré le long et profond travail effectué durant 3 ans, l’infertilité et les traitements PMA ont laissé des traces profondes. A cela s’est ajouté un incident que je relaterai dans un autre chapitre mais durant près de 2 semaines je me suis sentie vaciller.
J’ai perdu mon axe et mon portefeuille. Je me suis retrouvée dans cette situation où l’on a l’impression de n’avoir de prise sur rien, de nouveau seule et désemparée.
C’est là que j’ai réalisé que pour que cette 2nde FIV réussisse, pour que je puisse la traverser sans y laisser trop de plumes, il fallait que je sois soutenue, accompagnée. J’ai alors repris contact avec une thérapeute que j’allais voir régulièrement. J’avais hésité longuement à aller consulter quelqu’un de nouveau, spécialisé en PMA, mais j’ai finalement fait le choix du connu, de la confiance.
Et surtout j’ai eu une longue discussion avec mon chéri car une des choses que j’avais le plus mal vécu lors de la 1ère FIV c’était le fait de me sentir seule. Comme si je faisais cette démarche seule. J’ai réalisé aussi que même si j’étais convaincue de cette 2nde FIV, j’étais terrorisée de revivre la souffrance physique et psychologique de la première. Je lui ai dit tout cela, mais aussi demandé de s’engager inconditionnellement dans cette aventure avec moi. Certes nos hommes sont a priori davantage spectateurs mais en réalité leur présence est essentielle. Je parle d’une présence consciente et engagée.
Comme je l’ai écrit plus haut, notre nouvel appart n’a pas de chambre d’enfant et comme je l’ai dit aussi habiter dans ce village est pour mon chéri une forme d’accomplissement, de retour aux sources, il ne peut pas imaginer devoir le quitter. Vous me direz : vous pouvez bien déménager dans un autre appart dans le village. Il se trouve que ce n’est pas si simple car les loyers y sont très élevés. Néanmoins, me lancer dans une FIV avec en tête que peut-être vivre dans ce cadre est plus important pour lui que de devenir père, n’est pas de nature à cultiver ma sérénité. Je l’ai à nouveau questionné sur ses motivations. Évidemment, lorsque l’on se prépare à un gros changement comme celui de devenir parents, il est normal d’avoir des doutes surtout lorsque cela fait des années que l’on vit sans enfants et que l’on a tout de même trouvé un équilibre malgré le manque. Mais j’avais besoin de sentir que je pouvais compter sur lui et surtout que je ne le poussais à rien, qu’il le faisait autant pour lui que pour moi.
Je ne regrette pas d’avoir osé lui exposer mes besoins, ma vulnérabilité. Comme vous avez pu le voir dans le chapitre précédent, mon chéri a ainsi pu comprendre que la posture, l’attitude était importante. Cela lui a aussi permis de s’autoriser la vulnérabilité, mettre des mots sur ses émotions et de comprendre la porté de ses actions.
Un couple, un projet d’enfant ça se réalise à deux et marcher main dans la main plutôt que de prendre des chemins séparés, nous apporte force et sérénité, deux qualités qui ne sont pas à négliger dans un tel parcours.